Je commence mes partiels mercredi matin, avec "explication orale de texte". C'est dans trois jours et je n'ai jamais fait ça de ma vie... Gloups!
Je me suis donc entraînée, en une heure, sur un passage au pif, en essayant de faire une explication linéaire comme ça nous été conseillé. Je peux passer soit sur un extrait d'
Aurélia ou
Pandora de Nerval, soit sur un extrait du
Rêve de Zola. Je me permet de mettre le résultat ici, en espérant des critiques constructives, aussi bien sur le fond que sur la forme (surtout la forme! dites-moi si je ne lis pas bon moment, si je ne fais pas les choses dans le bon ordre, que sais-je...). J'en appelle à votre indulgence
- Citation :
Cette nuit-là, je fis un rêve qui me confirma dans ma pensée. – J’errais dans un vaste édifice composé de plusieurs salles, dont les unes étaient consacrées à l’étude, d’autres à la conversation ou aux discussions philosophiques. Je m’arrêtai avec intérêt dans une des premières, où je crus reconnaître mes anciens maîtres et mes anciens condisciples. Les leçons continuaient sur les auteurs grecs et latins, avec ce bourdonnement monotone qui semble une prière à la déesse Mnémosyne. – Je passai dans une autre salle, où avaient lieu des conférences philosophiques. J’y pris part quelque temps, puis j’en sortis pour chercher ma chambre dans une sorte d’hôtellerie aux escaliers immenses, pleins de voyageurs affairés.
Je me perdis plusieurs fois dans les longs corridors, et, en traversant une des galeries centrales, je fus frappé d’un spectacle étrange. Un être d’une grandeur démesurée, – homme ou femme, je ne sais, – voltigeait péniblement au-dessus de l’espace et semblait se débattre parmi des nuages épais. Manquant d’haleine et de force, il tomba enfin au milieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et des balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. Vêtu d’une robe longue à plis antiques, il ressemblait à l’Ange de la Mélancolie d’Albrecht Dürer. Je ne pus m’empêcher de pousser des cris d’effroi, qui me réveillèrent en sursaut.
Gérard de Nerval,
Aurélia. Folio classique, 2005. « Première partie », pp. 126-127.
Introduction :- situation du passage : le narrateur vient de commencer son récit. Amoureux d’une Aurélia « perdue pour lui ». Explique l’importance du rêve dans sa vie. Vient de croiser une femme qui lui a fait penser à Aurélia => interprète cette rencontre comme l’annonce d’une mort : celle d’Aurélia ou la sienne.
- passage lui-même : premier récit de rêve ; forte dimension symbolique. Comment l’expérience de ce rêve fait-elle écho aux enjeux auxquels est confronté le narrateur ?
Lecture de l’extrait.Plan du texte :Récit de rêve enchâssé avec :
- l.1 à l.8 : l’univers du rêve
- l.9 à l.17 : la vision de l’ange funeste
Commentaire : 1ère partie :- phrase introductrice : basculement net du monde réel au monde onirique : « cette nuit-là » = indication temporelle précise et réaliste + « je fis un rêve » = explicite.
2 thèmes : errance du narrateur / monde de connaissances.
- errance : indication des temps verbaux. Un imparfait (« errais ») pour annoncer un procès sans début ni fin : perte des repères temporels. Puis succession de passés simples pour décrire l’action du narrateur. Alternance de verbes de mouvement et de verbes statiques : « errais » – « arrêta »i – « passai » – « pris part » (donc m’arrêtai) – « sortis ». => narrateur désoeuvré.
Perdu dans un cadre démesuré : « vastes » – « plusieurs salles » – « escaliers immenses ». Narrateur seul à errer sans but : les autres sont des voyageurs « affairés ».
Perte de repères physique mais aussi mentale : verbes modalisateurs : « crus » – « semble » ; + « chercher » (et non pas se diriger vers).
- perdu face à quoi ? à la connaissance.
« Etudes » – « conversations » – « discussions philosophiques » – « maîtres » – « condisciples » – « leçon » – « auteurs grecs et latins » – « conférences philosophiques ». + « Mnémosyne ».
Perçu par le narrateur comme un « bourdonnement monotone » : thématique du rapport au langage ; langage toujours perçu comme réduisant la communication (moyen fini pour exprimer un infini du rêve). Ici : les codes sont différents et le narrateur est perdu face à ces élucubrations intellectuelles.
Références à une culture académique (auteurs classiques, philo) mais également brève intrusion de la religion : « prière à la déesse ». Préfigure l’importance que revêtira l’ésotérisme et le syncrétisme religieux.
2e partie : - phrase 1 : de transition. Narrateur explicitement présenté comme perdu, dans des « corridors » et « galeries » : perdu dans le labyrinthe de la connaissance, englué, aucune voie pour s’échapper. La connaissance empêche de trouver la voie vers l’harmonie universelle.
- vision allégorique :
- un être ni homme ni femme : non humain, appartient donc à un autre monde. « Démesuré », « voltigeant », « ailes », « Ange » : ange céleste. Rêve = moyen d’entrer en contact avec les habitants du monde céleste.
- être en proie à un combat : « se débattre parmi des nuages épais ». Ne trouve pas la voie, coincé dans ce monde de connaissances théoriques. Résultat : se retrouve dans une « cour obscure ». Lieu clos = pas d’échappatoire + pas de lumière pour le guider.
- en souffrance : « péniblement », « débattre », « manquant d’haleine et de force », « tomba », « s’accrochant », « froissant ».
- « je le contemplai un instant » = oxymore. Perte des repères temporels, rêve = dimension aux règles différentes.
- être digne d’être admiré : « contemplai » - « brillaient de mille reflets ».
- mais ! annonciateur d’un événement funeste. « teintes vermeilles » = rouge de la mort et donc confirmation de l’interprétation de la rencontre de la femme la veille => écho à la première phrase de l’extrait.
- les reflets sont « changeants » : encore une fois, pas de repères pour le narrateur.
- références culturelles : « robes à plis antiques » + tableau de Dürer. => le narrateur n’arrive pas à se détacher du monde intellectuel auquel il appartient et qui signe sa perte.
- tableau de Dürer : sombre. Achève de dresser un tableau angoissant de cette vision.
- dernière phrase : narrateur empli d’effroi. Phrase de conclusion qui ferme la boucle du rêve : « réveillèrent ». « Je ne pus m’empêcher de » : le narrateur n’a toujours aucune emprise sur ses actes, aucune liberté. Il subit.
Conclusion :Texte symbolique ; ange = personnification des angoisses et difficultés du narrateur.
Narrateur dans le doute, désoeuvré et en souffrance ; pourquoi ? à cause du monde des connaissances dans lequel il évolue et qui l’empêche de trouver la voie vers une forme de salut. La mort prévaut et le narrateur n’a aucune autonomie face au déroulement des événements.
Texte relativement hermétique ; écho sera fait dans la « seconde partie » d’Aurélia, où le narrateur comprendra qu’il lui vaudra préférer la mystique et l’ésotérisme pour tendre à la reconstitution de l’harmonie universelle (« l’arbre de science n’est pas l’arbre de la vie ! »).